dimanche 4 décembre 2011

De l'île vaste, Hiroshima ...

Je crois qu'il est temps de vous raconter nos aventures, à Elsa et moi, du week end dernier. Comme je vous l'avais dit, nous avons profité de nos jours de congés (grâce au Festival de l'université, que nous avons manqué, du coup) pour partir à la découverte du, Sud Japonais, à Hiroshima 広島, littéralement "vaste île". Sans doute parce que la ville est construite sur le delta du fleuve Ota-gawa (ou peut-être un estuaire, mais je n'ai jamais capté la différence. Avis aux amateurs de géographie).

Pour réaliser ce projet "avec moins de 20 000 yens" (soit environ 200 euros), ce qui n'est pas forcément évident au Japon où les transports, notamment avec le fameux Shinkansen, ne sont pas donnés donnés. Le train étant hors de question, nous avons opté pour le Yakko Basu ou BUS DE NUIT.

Je ne sais pas pour vous mais moi ça me rappelle ces interminables voyages de collège et lycée où nous partions à 50 en voyage avec 4 profs, engoncés dans un bus d'une étroitesse scandaleuse et d'un confort tout relatif, généralement en présence de cet élève super chiant qui trouve le moyen d'avoir le mal de bus, si si, pendant 10 heures. Bref, je suis sûre que vous avez tous la même image sympa en tête.

Mais ce coup-ci, on a eu de la chance. Nous montons dans notre bus -le voyage doit durer 7 heures et quelque - et là, OH SURPRISE ET MERVEILLES, nous découvrons non pas un bus mais LE bus de luxe pour VIP fauchés.
J'explique: des sièges larges et rembourrés, un coussin pour la tête, une sorte de parapluie-auvent-parasol opaque qu'on peut déployer au dessus de sa tête (un peu comme un casque de cosmonaute, vous voyez?) histoire d'avoir sa petite intimité dans le bus, une manette pour abaisser le siège de manière à être quasi allongé (!) et un appui-pieds relevable pour reposer ses petits petons fatigués. Le rêve quoi.

Seulement... notre joie n'allait pas durer longtemps. Le chauffeur vient nous voir et nous informe que nous changerons de bus à Osaka pour monter dans celui qui doit aller jusqu'à Hiroshima. Mon ventre se contorsionne et je sors un soupir dépité à Elsa en affirmant que selon ma veine habituelle, ce second bus sera sans doute le bus pourri aux sièges rigides qui ne s'abaissent que de 5 millimètres. Elle rigole, ne me croit pas.

ET BEN J'AVAIS QUAND MEME RAISON! Effectivement notre nouveau bus est tout ce qu'il y a de plus normal. Quand même, pour sa défense, les sièges s'abaissent plus que suffisamment. Et de toute façon, comme rien ne m'arrête quand il s'agit de piquer un roupillon, j'ai fermé les yeux et me suis réveillée 7 heures plus tard à Hiroshima.
Bon ok, j'ai peut-être été réveillée toutes les 2h environ par le chauffeur qui parlait pendant 20 minutes à chaque arrêt, tout ça pour dire que la pause pipi durait 10 minutes. Le truc avec le japonais, c'est que quand on utilise la forme honorifique (pour parler aux clients par exemple), les formules sont longues. Très longues.
Pandinette dans le bus de la mort qui tue.


 Nous sommes donc arrivées sans encombre à Hiroshima, vers 6h30, tout juste à l'aube. Nous marchons jusqu'à l'auberge de jeunesse qui se trouve de l'autre côté du parc de la Paix et découvrons donc par cette occasion le célèbre dôme de la bombe atomique, ou Genbaku domu 原爆ドーム , déserté.

Autant dire qu'au petit jour, c'est assez lugubre, d'autant plus que nous ne croisons pas un chat.


Nous traversons le parc et tombons par hasard sur l'un de ses plus célèbres monuments: le Monument de la Paix des enfants dédié aux enfants tués par la bombe dans les jours qui suivirent le 6 août 1945 ou décédés suite à l'exposition aux radiations, des années plus tard.

Ce monument est célèbre car il a été construit à la demande des enfants de la ville d'Hiroshima eux-mêmes suite au décès tragique de Sadako Sasaki, décédée des suites d'une leucémie fulgurante à l'âge de 12 ans en 1955. Elle avait en effet survécu à l'explosion de la bombe elle même mais a été contaminée par les retombées nucléaires. C'est Sadako tenant une grue en origami géante qui est représentée au sommet du monument.
En effet, lorsque sa leucémie fut découverte, les médecins ne lui donnèrent que trois mois à un an à vivre, et Sadako décida alors de plier 1000 grues en papier. Selon les légendes, quiconque réussit à plier 1000 grues se voit accorder n'importe quel voeu... Malgré tous ses efforts, Sadako décéda avant d'atteindre son objectif. Suite à cela ses camarades de classes réclamèrent l'édification d'un monument commémoratif, finalement réalisé en 1958.


Dès lors, la grue en papier est devenue le symbole de la paix et des centaines de personnes viennent en déposer au pied du monument.


Un tableau constitué de centaines de petites grues colorées. Avec les kanjis 平和 (heiwa), signifiant paix.




Le kanji "kokoro" qui signifie "coeur".



Après cette courte vision du parc de la paix, nous allons à l'auberge de jeunesse pour déposer les bagages et prendre une douche salvatrice. Nous voilà fin prêtes pour explorer la ville.
Nous décidons de retourner au parc pour visiter le Musée-Mémorial de la paix au coeur du parc. Il faut le dire, tout cela est solennel, très solennel. Dans le musée, arrivée à la célèbre montre figée sur 8h15, j'entends des gens renifler et se moucher derrière moi. Une épidémie a frappé? Non, les visiteurs sont juste en train de pleurer. En même temps, le musée a mis le paquet côté émotion, avec toute une salle remplie de vêtements déchirés et brûlés ou d'effets personnels fondus et carbonisés (tricycle, montre, boîte à repas...) ayant appartenu au victimes -souvent de jeunes lycéens qui étaient chargés de travaux de destruction dans la ville afin d'éviter que les incendies ne se propagent.
 Des cartels nous apprennent qui ils étaient, ce qu'ils faisaient au moment où la bombe est tombée, et leur longue agonie. Car bien souvent la bombe a sévèrement brûlé sur tout le corps les victimes, sans les tuer sur le coup, la mort survenant les jours suivants (du moins pour les victimes situés à environ un kilomètres de l'impact, pour les plus proches, aucun corps n'a jamais été retrouvé). Et j'avoue qu'ayant la larme facile d'ordinaire, j'ai eu la gorge serrée plus souvent que je ne l'aurais cru.
J'ai quand même des doutes sur le bon goût d'une partie de l'exposition: des répliques en cire (aussi réaliste que chez Mme Tussauds) de victimes dont la peau brûlée tombe en lambeaux, bof.
Autre partie assez impressionnante et révélatrice: un mur rempli de lettre de protestations envoyées depuis les années soixante par le maire d'Hiroshima à chaque essai nucléaire mené par les pays possédant la bombe (Chine, USA, Russie entre autres, et bien sûr la France).
Nous ressortons prendre un bol d'air frais dans le parc.

Vue sur le dôme de la bombe-A, le cénotaphe dédié au victimes, la flamme de la paix.





Cette plante tout droit sortie du Jumanji est la première plante qui ait repoussé en avril 1945. 


La cloche de la paix.

Le tout ponctué par des ginkos jaune vif!


Le midi, direction le centre ville pour déguster la spécialité, les okonomiyakis version Hiroshima !



Nous sommes allées ensuite au château médiéval d'Hiroshima... entièrement rebâti à l'identique en 1958. Autant dire que cela manquait un peu d'âme à l'intérieur et que la vue au sommet ne valait pas vraiment les 300 yens. Car il faut bien le dire Hiroshima est une ville moche. Des buildings et des immeubles partout, et de grandes avenues un peu vides. Bien évidemment, le fait qu'une bombe atomique ait explosé en plein coeur de la ville il y a un peu plus de 60 ans explique largement ce travers... Il suffit de voir ma ville natale, Amiens, elle aussi reconstruite en partie par le béton après la seconde guerre mondiale, pour comprendre que c'est le destin malheureux des villes bombardées.

Moment fun de la visite: l'essayage d'une armure de samuraï. On ne dirait pas, mais qu'est-ce que c'est lourd ce machin!

Nous décidons de finir la journée par la visite du jardin Shukkeien, lui aussi entièrement refait après la bombe. Autant dire qu'on a fait une sacrée trotte à pieds (pour économiser le tramway, ben oui).









Les koi, encore et toujours (et non, on ne dit pas "carpes koi", c'est redondant).




Une fois fini ce (long et exténuant) tour de la ville, nous rentrons  harassées à l'auberge de jeunesse, et nous découvrons avec plaisir notre chambre double, traditionnelle, avec tokonoma, table basse, tatamis et ... futons japonais. Un concours s'engage pour "qui fera mieux son futon" et je gagne haut là main (Elsa-chan, ceci est pour toi mouhahahahahahaha).
THE PROOF:
Ça, c'est ce que j'appelle un lit fait au carré!

Nous allons nous coucher à 21h comme des mamies afin de bien récupérer avant d'attaquer le principal objectif de ce voyage: Miyajima, l'île sanctuaire!

TO BE CONTINUED

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire