jeudi 1 septembre 2011

Où l'on apprend comment "Panda Lost In Japan" faillit devenir "Panda Lost In Korea"


Je me souviens de la journée du 11 mars 2011 comme d'une journée ensoleillée, tranquille, anodine. Du moins en France. Car de l'autre côté de la planète, le 11 mars 2011 a été une journée de cauchemar.

La journée qui a bien failli détruire un rêve échafaudé depuis des années. 

Je me souviens très bien m'être levée (tôt) pour aller assister à mon cours de "Transitional Justice" made in Pipo. Puis recevoir, entre ma tasse de chocolat chaud et ma tartine de lemon curd, un sms affolé d'une amie nippophile : "T'as vu pour le tsunami ?!". Non, je n'avais pas vu. Pas encore. Jusqu'à ce que j'allume TV et ordinateur et découvre avec effroi des images apocalyptiques: une immense coulée de boue, de flammes et de débris détruire le Tôhoku, la région Nord-Est du Japon. Mais même à ce moment, je ne réalise pas l'ampleur de l’évènement. Je pars en cours, dans l'expectative. Pour recevoir un appel surréaliste de mon père évoquant des plages recouvertes de corps.


Enfin arrivée au 99, Boulevard Saint-Germain, je discute avec Kumiko, une amie japonaise qui suit le même cours. Elle n'est au courant de rien encore -les nouvelles sont toutes fraîches. Et quand je lui raconte ce que j'ai vu, elle me répond d'un air mi amusé, mi incrédule : "Tu sais, nous au Japon, on a des tremblements de terre tous les jours alors..."

Elle ne sait pas alors que ce tremblement de terre là sera historique.



"La pire catastrophe au Japon depuis Hiroshima".  Aujourd'hui, c'est ainsi qu'on évoque le tremblement de terre, le tsunami dévoreur qui l'a suivit, et la crise nucléaire de Fukushima découverte les jours suivants. Un sacré combo, dont les lésions se ressentent toujours. Près de 6 mois plus tard, on a presque oublié, alors que le drame continue de se jouer: l'incapacité de la classe politique japonaise reste prégnante, l'opacité des informations sur la centrale gravement endommagée et la surenchère mondiale autour de l'accident nucléaire - "pire que Tchernobyl!" - ont laissé des milliers de victimes dans l'incertitude.


Pourtant, passé le choc du 11 mars, il fût assez exaltant de voir à SciencesPo se lever un large mouvement d'entraide entre les étudiants japonais en échange, désespérés de ne pouvoir qu'observer les évènements de Paris et espérer pour leurs familles, et les étudiants français nippophiles. Bien que la tragédie ait été bien réelle, je retiendrai surtout de ces moments la volonté à toute épreuve des japonais, leur optimisme contagieux lors des quelques heures passées à la Maison Japonaise de la Cité Universitaire.


 A SciencesPo même, la solidarité ambiante a été l'occasion de partager nos cultures derrière le stand de vente de charité, de déguster des onigiris maisons et de percer enfin les mystères de l'origami avec le pliage intensif de centaines de petites grues (ou tsuru). Je reconnais aujourd'hui qu'il a fallu à mon amie Yu beaucoup de patience pour me faire comprendre l'art de plier une grue (prochainement sur Panda Lost In Japan), qui est devenu pour moi une véritable obsession lors du mois qui a suivi...
Malgré tout, mon rêve d'atteindre 1000 grues ne s'est pas réalisé: l'histoire raconte que si l'on parvient à plier 1000 grues, notre voeu se réalisera... Mais bon, j'en ai plié pas mal, ça doit bien compter un petit peu quand même.


On aurait pu croire que passé ces heures anxieuses, tout rentre dans l'ordre. C'eut été sans compter sur la DAIE Asie-Pacifique de SciencesPo, qui décida de rapatrier les élèves en échange au Japon et de "suspendre" pour le moment nos départs prévus pour le septembre suivant. S'ensuivirent 3 mois d'angoisses, de cauchemars nocturnes, de rongements d'ongles et quelques échanges salés avec la DAIE qui ne semblait pas vouloir comprendre qu'après 2 mois nous aurions bien aimé savoir si oui ou non, on nous laisserait partir.
Puis, après 102 mails échangés, une réunion avortée et une réunion réussie, nous avons dû choisir un "plan B" ou une une "roue de secours", c'est selon, car notre voyage nippon semblait bel et bien remis en question.

C'est donc la mort dans l'âme que je me résignais à choisir à l'instar de quelques collègues en galère la Corée du Sud. Malgré ce que vous êtes en train de penser: NON, LA COREE DU SUD CE N'EST PAS DU TOUT PAREIL QUE LE JAPON. Histoire de mettre les points sur les i. Mais cela me semblait alors être le choix le plus évident, car je pourrais facilement voyager d'un pays à l'autre.

Panda Lost In Japan semblait donc bien parti pour faire sa mue en Panda Lost In Korea. Moins classe, non?

Finalement, tout est bien qui se finit bien: les irréductibles gaulois eurent la joie de recevoir un mail de la direction de SciencesPo, (début juin, car il ne faut pas être trop pressé avec SciencesPo), nous autorisant à partir au pays du Soleil Levant (plus ou moins à nos risques et périls, bien entendu).


Tout à coup, nos préoccupations devinrent plus légères: combien de valises prévoir pour le départ? Quelle compagnie aérienne nous arnaquerait le moins? Et surtout, compteur Geiger or not compteur Geiger?

Comme quoi partir au Japon, c'est aussi avoir le goût du risque.




Toutes les illustrations sont issues de "Tsunami, des images pour le Japon". Je vous en ai mis parmi mes préférées, mais n'hésitez pas à aller découvrir le travail de ces auteurs formidablement doués.

1 commentaire:

  1. J'en ai des frissons à lire tout cela :) En tout cas, c'est une détermination qui fait plaisir à voir, et je te souhaite le meilleur pour cette belle année à venir ma très chère grue <3

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